Vous êtes des sceptiques donc... / Vous êtes des croyants donc...

Nous souhaitions nous attarder sur quelques récents commentaires de ce blog mettant en évidence un biais cognitif fréquent chez les "croyants au paranormal" (pseudo-parapsychologues) et les "croyants incroyants" (pseudo-sceptiques) au paranormal. Ce biais nous apparait comme une conséquence de phénomènes de dissonance cognitive et permet de protéger les convictions et les croyances d'un individu (et donc de sauvegarder son narcissisme). Cela se traduit généralement ainsi :

- Si vous publiez un article de perspective sceptique concernant certains phénomènes réputés paranormaux et que vous parvenez dans cet article à expliquer un phénomène paraissant au premier abord inexpliqué, vous trouverez fréquemment des "croyants au paranormal" vous proposant les réflexions suivantes :

• "Vous êtes sceptiques, C'EST POURQUOI vous ne voulez pas accepter la réalité du paranormal !"
• "Vous êtes sceptique DONC vous êtes borné ! "
• "Vous critiquez la parapsychologie CAR vous êtes sceptique".

- Si vous publiez un article sur la parapsychologie scientifique indiquant que pour un phénomène donné et/ou un article critiquant certaines informations pseudo-sceptiques, les résultats d'expériences ne semblent pas explicables par des hypothèses classiques, vous trouverez fréquemment des pseudo-sceptiques vous proposant la réflexion suivante :

• "Vous êtes croyants, C'EST POURQUOI vous croyez aveuglement à la réalité du paranormal !"
• "Vous critiquez le scepticisme, DONC vous croyez au paranormal"

Dans ces cas, c'est le modèle idéologique qui sous-tend les convictions de la personne qui prend le pas sur son jugement. On retrouve le même mécanisme très fréquemment en politique : une proposition sera jugée mauvaise CAR elle sera proposée par un membre de l'opposition. En réalité, une proposition n'est pas bonne ou mauvaise selon la personne qui la défend : elle est bonne ou mauvaise selon l'évaluation qui pourra en être faite après sa mise en application.

Sur le plan psychodynamique, ce mécanisme renvoit à des processus archaïques de clivage mis notamment en évidence par Mélanie Klein entre le "bon" et le "mauvais" objet. Dans un premier temps, l'enfant incorpore ce qui lui parait comme bon pour constitué son moi, et evite ce qui lui apparait comme mauvais. On retrouve ces processus à l'oeuvre chez l'adulte dans ce type de circonstances, conduisant à des biais de raisonnement qui mènent à un amalgame entre source de l'information et pertinence de l'information. Cela permet d'arriver aux raisonnements suivants sur le plan intrapsychique :

Ce raisonnement contredit mes croyances et mes convictions / Ce raisonnement est le fruit de personnes qui pensent différemment de moi > Ce raisonnement est donc faux.

Il est impossible d'échapper entièrement à ces mécanismes constitutifs de la psyché humaine qui sont en lien avec le narcissisme. La seule possibilité consiste à tenter d'atténuer leurs effets en :

• Se questionnant concernant ses croyances et ses motivations les plus profondes,
• Avoir conscience qu'il n'est jamais entièrement possible de les maitriser : elles sont en lien avec des dynamiques psychiques qui nous échappent nécessairement à un certain degré d'organisation psychique,
• Une fois ses croyances et ses convictions déterminées en partie, essayer de minimiser leur impact dans nos choix : quand une information contredit vos convictions et vos croyances, essayez de la regarder autrement, de réellement l'étudier malgré votre apriori. Nous avons également précisé, dans le domaine du paranormal, quelques dispositions possibles dans cet article.

Au final, ces modes de pensée éloignent généralement l'individu de la réalité car elles sont davantage en lien avec sa réalité interne qu'avec la réalité externe et objective. C'est un réel problème dans le domaine du paranormal, car le paranormal est en lui-même un objet qui engendre la fascination et active des dimensions psychiques très archaiques, ce qui explique en grande partie la virulence de certains débats sur le sujet.